Trois enquêtes nationales réalisées en 2004, 2009 et 2019 ont mesuré, en France, la fréquence des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) dans les établissements de santé. De plus elles ont estimé, chaque fois, la part évitable de ces évènements et ont décrit les causes immédiates et les facteurs contributifs à leur survenue. Les résultats de 2019 sont maintenant accessibles. Extraits de ce rapport très complet :
Méthode
[...] Il s’agissait d’une étude d’observation prospective d’incidence sur une population ouverte de séjours de patients hospitalisés et suivis pendant une période de 7 jours au maximum. L’échantillon était randomisé, constitué de 6 strates afin de tenir compte du type d’établissement (centres hospitaliers universitaires ou régionaux, centres hospitaliers généraux publics, établissements privés à but lucratif et non lucratif) et du type d’activité (médecine et chirurgie), avec sondage en grappe à trois degrés (départements, établissement, service). Les événements étaient détectés par un infirmier enquêteur à l’aide d’un questionnaire de détection qui comportait 17 critères. Un médecin enquêteur confirmait l’événement indésirable grave (EIG), le caractère lié aux soins, la gravité et la nature évitable des événements détectés. Une analyse descriptive de l’échantillon a été réalisée à partir du questionnaire de détection (nombre de patients inclus, durée de séjour, nombre de jours d’observation, etc.) et également sur les caractéristiques des EIGS (type de gravité, types d’expositions et de mécanismes, causes immédiates et facteurs contributifs) et les caractéristiques des patients présentant des EIGS (âge, gravité clinique, provenance). La densité d’incidence des événements indésirables graves identifiés pendant l’hospitalisation a été calculée comme le nombre d’EIGS identifiés dans l’unité pendant la période d’observation rapporté au nombre de jours d’hospitalisation observés. Elle était exprimée pour 1 000 jours d’hospitalisation. La proportion des séjours-patients dont l’admission a été motivée par un EIG a été calculée comme le nombre de patients hospitalisés pour au moins un EIG pendant la période d’observation rapporté au nombre de patients admis pendant la même période.
Résultats
L’étude a été menée dans 154 unités de 56 établissements. Au total, 4 825 séjours ou fractions de séjours patients ont été analysés. Le suivi moyen était de 4,5 jours, ce qui représentait 21 686 jours d’observation au total, 11 658 en médecine et 10 028 en chirurgie. Parmi les 218 EIG identifiés pendant la période d’étude (pendant l’hospitalisation ou cause d’hospitalisation), 123 étaient considérés comme associés aux soins (75 en chirurgie et 48 en médecine) et 38% d’entre eux ont été considérés comme évitables. Parmi les EIGS remplissant les critères de déclaration dans le portail de signalement national, 18% d’entre eux ont été signalés en interne et 1,6% a été déclaré sur le portail national. La densité d’incidence des EIGS survenus pendant l’hospitalisation s’élevait à 4,4 EIGS [2,9-6,8] pour 1 000 jours d’hospitalisation. Parmi ces EIGS, 34% ont été jugés évitables. La gravité était liée uniquement à une prolongation d’hospitalisation pour 47% des EIGS. Cette proportion était de 56% pour les EIGS évitables. Les événements cause d’hospitalisation ont causé 2,6% [1,8-3,8] des séjours dans un service de médecine ou chirurgie soit un séjour sur 40. Parmi ces EIGS, 53% ont été jugés évitables. Les causes d’hospitalisation sont consécutives à un transfert ou une mutation dans 42% des cas ; pour les 58% restants, ils ont été identifiés en ville, mais certains peuvent être cliniquement reliés à des hospitalisations précédentes. La fragilité des patients est le facteur contributif le plus fréquemment retrouvé à la survenue de tous les EIG. Ainsi, en 2019, entre 93 000 et 197 000 EIGS évitables ont causé une hospitalisation et entre 55 000 et 130 000 EIGS évitables surviennent en cours d’hospitalisation.
Discussion
Il s’agit d’une enquête réalisée selon une méthode classique et qui a l’avantage d’être rééditée à plusieurs années d’intervalles. Ses principaux résultats ont été transmis au ministère des Solidarités et de la Santé le 8 octobre 2021, lors du comité de pilotage national de l’enquête ENEIS. Cela a permis de recueillir l’ensemble des remarques des représentants présents. En moyenne, on observe 4,4 EIGS [2,9-6,8] pour 1 000 jours d’hospitalisation, soit entre 160 000 et 375 000 EIGS qui se produisent chaque année au cours d’un séjour hospitalier dans un service de médecine ou de chirurgie. Parmi ces EIGS, 34% seraient évitables, soit entre 55 000 et 130 000 événements indésirables graves évitables par an. Dans près de la moitié des cas (47%), l’EIGS entraîne uniquement une prolongation du séjour. Pour les événements identifiés pendant l’hospitalisation, la densité d’incidence est plus élevée en chirurgie (6,9 événements pour 1 000 journées d’hospitalisation) qu’en médecine (2,3 événements pour 1 000 journées d’hospitalisation). Pour les événements cause d’hospitalisation, ils ont causé 2,6% [1,8-3,8] des séjours dans un service de médecine ou de chirurgie en 2019, soit un séjour sur 40. Il y aurait entre 176 000 et 372 000 séjours annuellement causés par un EIGS. Parmi ces EIGS, 53% seraient évitables, soit entre 93 000 et 197 000 séjours causés par des EIGS évitables ; ils sont plus fréquents en médecine qu’en chirurgie. Dans 42% des cas, les EIGS causes d’hospitalisation sont consécutifs à une hospitalisation précédente. Pour les 58% restants, ils ont été identifiés en ville, même si certains événements peuvent être reliés à des hospitalisations précédentes. La fragilité des patients est le facteur contributif le plus fréquemment retrouvé dans la survenue de tous les EIGS. Parmi les facteurs systémiques de cause de survenue des EIGS, les défaillances individuelles, le manque de communication entre professionnels, et les infrastructures inappropriées sont les plus fréquemment retrouvés
Conclusion
Les principaux enseignements pour la prévention des risques sont que tous les types de spécialité et d’établissement sont concernés par les EIGS. Le facteur humain est l’un des facteurs déterminants dans leur survenue. Ces événements restent néanmoins peu signalés, que ce soit en interne ou au niveau du portail national. Au cours des 10 dernières années, de nombreux dispositifs ont permis d’introduire la sécurité des patients au cœur de la prise en charge. Cette étude permet d’appuyer la nécessité de continuer à améliorer la sécurité des patients.
Comparaison entre les résultats 2009 et 2019
En 2009, sur 1 539 événements détectés, 1 115 étaient indésirables (72,4%). En 2019, sur 782 événements détectés, 416 étaient indésirables (53,2%). La différence était statistiquement significative (p<0,001).
Pour les EIGS cause d’hospitalisation, on observe en 2019 une diminution de la proportion de séjours causés par des EIGS pour les EIGS totaux et pour les EIGS évitables, tant en médecine qu’en chirurgie. Il n’y avait pas, entre 2009 et 2019, de différence significative concernant le type de gravité en proportion. Les patients concernés par des EIGS cause d’hospitalisation étaient comparables entre 2009 et 2019 (âge et sexe). On observe en 2019 une augmentation de la proportion d’EIGS survenus dans les situations sans aucune des 3 caractéristiques (sévérité, complexité et urgence). En 2019, on observe une augmentation de la proportion d’EIGS globaux cause d’hospitalisation liés aux interventions chirurgicales (p=0,04), et une diminution de ceux liés aux produits de santé (p=0,02), et aux médicaments (p<0,01).
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/eneis_3_2019_.pdf
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/eneis_3_rapport_comparatif_2009-2019_.pdf