Les technologies de l’information (TI) jouent un rôle important dans l’amélioration de la sécurité des patients en milieu hospitalier, à travers, notamment l’amélioration de la prestation de soins et la réduction des erreurs médicales. Toutefois, bien que l’utilisation accrue des TI dans la pratique médicale présente de nombreux avantages pour la sécurité des patients, elle introduit également de nouveaux risques. En effet, plusieurs études font état des risques liés à l’utilisation des TI et soulignent la nécessité de développer des solutions plus cohérentes, permettant de réduire le fossé existant entre le monde médical et le monde de la technologie.
Comprendre les différentes perspectives (cliniciens versus informaticiens) pourrait aider à résoudre les facteurs contributifs (causes profondes) des événements indésirables (EI) liés aux TI. Pour cela, un groupe de chercheurs américains a développé cette étude visant, d’un côté, à proposer une classification plus adaptée des EI en milieu hospitalier et, d’un autre côté, à comprendre les points de vue divergents entre les concepteurs et les utilisateurs de TI concernant les potentielles causes des EI liés aux TI. La classification proposée se base sur l’approche sociotechnique permettant de mieux classifier les EI liés aux TI (en tenant compte des différentes perspectives : cliniciens versus informaticiens), de faciliter la collaboration entre les cliniciens et les informaticiens et par conséquent, de réfléchir à de meilleures solutions d’amélioration concernant les TI. Par ailleurs, l’étude suggère une série de mesures préventives permettant d’éviter la récurrence de ce type d’événements.
Les auteurs ont créé une liste de 12 EI liés aux TI et ont, par la suite, demandé à un groupe d’experts (médecins et informaticiens) d’analyser et de classer les EI.
À travers les différentes interviews menées auprès des experts, les auteurs ont constaté que :
- Les causes potentielles identifiées et les solutions envisagées différaient considérablement entre les cliniciens et les informaticiens.
- Les médecins avaient tendance à considérer surtout les dimensions personnes, processus et contexte comme étant les principales sources d’erreurs. En revanche, les informaticiens considéraient surtout les technologies, notamment la fonctionnalité et le développement des logiciels et les mises en œuvre techniques, comme principales sources d’erreurs et envisageaient surtout des solutions techniques.
- Les deux groupes de professionnels semblaient être d’accord en ce qui concerne les questions de conformité et de sécurité des TI.
- Les experts en informatique ont rarement identifié les itinéraires cliniques ou le flux de travail comme étant des sources d’EI.
Cette étude met clairement en évidence les différents points de vue quant aux causes potentielles des EI liés aux TI entre les médecins et les experts en informatique. La différence de perspective pourrait s’expliquer par le fait que les médecins ont tendance à interagir avec les logiciels/outils après leur mise en œuvre, tandis que les informaticiens interviennent plus au niveau du développement informatique. Cependant les auteurs constatent que, souvent, les informaticiens ne sont pas familiarisés avec l’environnement de travail dans lequel les logiciels et les outils sont utilisés, ce qui pourrait être une source de problème. Ils estiment même que le taux d’EI liés aux TI pourrait diminuer si les développeurs de systèmes informatiques avaient une meilleure connaissance et conscience de l’environnement dans lequel les cliniciens travaillent.
Généralement, les équipes de développement d’applications cliniques incluent des cliniciens permettant d’apporter un point de vue clinique. Cependant, comme l’a démontré cette étude, cela ne semble pas être suffisant car les informaticiens ne saisissent pas pleinement le fonctionnement de l’environnement clinique et l’impact que la charge de travail et les autres facteurs liés aux patients peuvent avoir sur l’utilisation des solutions TI. Les auteurs suggèrent qu’une formation immersive des développeurs de logiciels, en les exposant directement à l’environnement clinique, peut combler l’écart existant entre les cliniciens et les informaticiens, sensibiliser davantage les informaticiens aux besoins des médecins et des patients, et par conséquent mener au développement de solutions plus adaptées au contexte. De plus, les développeurs devraient collecter certaines données après l’implémentation des solutions TI, notamment : le temps de consultation par les professionnels ; l’efficience des professionnels ; la relation patient-professionnel ; les besoins en formation et l’adaptabilité du logiciel au flux de travail et à la culture de l’organisation.