L’épidémie de la Covid-19 a mis à rude épreuve le système hospitalier. La hausse constante des nouveaux cas a entraîné, non seulement une augmentation exponentielle des hospitalisations, mais également un fardeau supplémentaire pour le secteur. Dans la phase aiguë de la pandémie, il est très probable que les hôpitaux ont dû se réorganiser en modifiant leurs stratégies de dotation, augmentant la capacité en soins intensifs et en modifiant l’utilisation des équipements de protection individuelle (EPI). Face à ces tensions, la question de l’impact de la Covid-19 sur les infections associées aux soins (IAS) se pose. En effet, certaines études, réalisées en début de pandémie, ont constaté une augmentation des IAS, notamment des infections associées aux cathéters veineux centraux.
Le National Healthcare Safety Network (NHSN) du CDC est décrit comme étant le plus grand système de surveillance des IAS aux États-Unis et est utilisé par la grande majorité des hôpitaux américains pour signaler les IAS. Les données fournies par le NHSN sont utilisées pour mesurer les progrès réalisés en termes de prévention des infections dans les hôpitaux américains. Ce progrès est mesuré à travers le taux d’infections standardisé (en anglais « standardized infection rate » [SIR]), qui divise le nombre d’infections observé par le nombre d’infections attendu (d’après les données des années précédentes). Au niveau national, de 2015 à 2019, des réductions significatives et constantes ont été observées au niveau de l’incidence des infections associées aux cathéters veineux centraux (Clabsi), des infections de voies urinaires associées aux cathéters (Cauti) et des infections à Clostridium difficile (CDI). Également, une baisse des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) a été observée depuis 2010. En revanche, les événements associés à la ventilation (VAE) n’ont pas observé de réels progrès ces dernières années. Étant donné le potentiel impact de la Covid-19 sur le taux d’infections nosocomiales en milieu hospitalier, l’équipe du NSHN a examiné et comparé les données trimestrielles pour les années 2019 à 2020.
Ont été incluses dans ce rapport les infections rapportées au NHSN entre 2019 et 2020 (Clabsi, Cauti, VAE, infections du site opératoire (SSI), SARM et CDI) ainsi que les infections signalées au volet « sécurité des patients » du NHSN au 1er avril 2021. Les VAE comprennent tous les événements associés à la ventilation (VAC), les infections associées à la ventilation (Ivac) et les pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PVAP). Les comparaisons ont été réalisées à l’aide du SIR, calculé pour chaque trimestre de l’année 2019 et 2020. Un SIR supérieur à 1 indique une augmentation de l’incidence des IAS par rapport à ce qui était attendu. Inversement un SIR inférieur à 1 indique une diminution de l’incidence des IAS par rapport à l’incidence attendue. D’autres éléments ont été ajoutés à l’analyse afin de mieux interpréter les résultats obtenus, notamment les durées de séjour à l’hôpital, le temps d’événement (temps écoulé entre le moment où le dispositif a été introduit et la survenue de l’infection) et les ratios d’exposition aux dispositifs.
Les augmentations les plus importantes de l’année 2020, comparativement à 2019, concernent les Clabsi, VAE, infections à SARM et les Cauti. L’incidence des Clabsi a augmenté de 46% à 47% aux troisième et quatrième trimestres 2020 par rapport à 2019. Les événements associés à la ventilation ont augmenté de 45% au quatrième trimestre 2020. Les infections à SARM ont augmenté de 34% au quatrième trimestre de 2020. Finalement, en ce qui concerne les Cauti, l’incidence s’est accentuée de 19% au quatrième trimestre de 2020. L’utilisation des cathéters urinaires et cathéters centraux était plus élevée du deuxième au quatrième trimestre 2020, avec une augmentation de l’ordre de 8 à 9%, tandis que l’utilisation du ventilateur était plus élevée dans les quatre trimestres de l’année, avec une augmentation de l’utilisation de l’ordre de 25 à 30%. En contrepartie, les taux d’infections du site opératoire et CDI n’ont pas augmenté en 2020, comparativement à 2019.
Face aux résultats du rapport, les auteurs mettent en avant les points suivants :
- Les Clabsi ont connu la plus forte augmentation en termes d’incidence. En effet, des études précédentes avaient déjà constaté l’impact de la Covid-19 sur le taux des Clabsi ainsi que sur les stratégies de prévention des infections de cathéters (notamment la pose et la maintenance).
- Les Cauti et VAE ont également enregistré une hausse de leur incidence. Un plus grand séjour à l’hôpital, un nombre plus élevé de patients dont l’état de santé est grave et une utilisation prolongée des dispositifs ont pu contribuer à ces augmentations.
- L’augmentation de l’incidence des infections à SARM peut également s’expliquer par la mauvaise utilisation de techniques d’asepsie lors de la pose et de la maintenance de cathéters, cependant des études supplémentaires sont nécessaires afin de confirmer ces résultats.
- Une meilleure adhésion aux pratiques d’hygiène des mains, l’utilisation des EPI, l’isolement des patients et la désinfection de l’environnement peuvent expliquer la diminution des taux d’incidence des CDI.
- Les pratiques enracinées de gestion des antimicrobiens et la conséquente diminution des prescriptions d’antibiotiques en milieu chirurgical, peuvent expliquer la stabilisation des taux de SSI, entre 2019 et 2020.
Les auteurs affirment que l’année 2020 a marqué une période sans précédent pour les hôpitaux, qui ont été confrontés à des situations extraordinaires, notamment à un plus grand nombre d’hospitalisations et à des problèmes de dotation en personnel et d’approvisionnement, qui ont certainement eu un impact sur les stratégies de prévention et contrôle des infections. Ces informations soulignent l’importance de créer des programmes de contrôle et prévention des infections plus solides et plus larges dans l’ensemble des soins de santé et d’investir dans la résilience de ces programmes afin de mieux faire face aux futures pandémies.