La durée moyenne de séjour à l’hôpital, souvent considérée comme un indicateur de qualité et d’efficience des services de santé, fait l’objet de nombreuses études dans la littérature. Ces données sont d’autant plus importantes dans une société marquée par le vieillissement de la population avec des implications majeures sur les taux d’admissions non programmées et de réadmissions à l’hôpital. Le système de santé britannique, le National Health Service (NHS), a récemment créé un programme d’amélioration appelé GIRFT (Getting it right first time) qui vise à identifier des solutions de qualité susceptibles d’aider à réduire les variations injustifiées dans le système, notamment en ce qui concerne les durées de séjour à l’hôpital et les taux de réadmissions et de mortalité à l’hôpital.
La planification précoce de la sortie de l’hôpital par une équipe multidisciplinaire est aujourd’hui reconnue comme une des composantes clés pour faciliter la sortie en temps opportun. Cependant, la définition de ce moment opportun reste un sujet de débat. Des études antérieures ont fait preuve de résultats incohérents concernant la relation entre la durée de séjour à l’hôpital et les résultats pour les patients. En raison de ces résultats contradictoires, les courts séjours à l’hôpital sont fréquemment associés à une sortie prématurée du patient et, par conséquent, à des résultats défavorables pour son état de santé.
Six auteurs britanniques ont testé l’hypothèse selon laquelle « une durée de séjour à l’hôpital plus courte est associée à un risque plus élevé de résultats défavorables pour le patient, notamment en termes de risque de réadmissions précoces fréquentes (toutes causes confondues) et de risque de mortalité après hospitalisation (toutes causes confondues) chez les patients adultes ». Pour ce faire les auteurs ont analysé les données provenant d’un hôpital général de district du NHS (à la périphérie de Londres) couvrant une population de 400 000 personnes, sur une période de deux ans (avril 2017 à mars 2019). Tous les patients adultes ont été inclus dans l’étude (18 à 107 ans). La corrélation entre la durée de séjour et les suites cliniques d’hospitalisation, notamment la fréquence de réadmission à 28 jours, la mortalité à 30 jours, 6 mois et deux ans, a été évaluée. Les données ont été corrigées pour prendre en compte l’âge, le sexe, l’état de santé et la cause principale d’admission du patient.
Au total, 32 270 patients ont été inclus dans l’étude, 14 878 du sexe féminin et 17 392 du sexe masculin, avec un âge moyen de 64 ans. Concernant le type d’admissions, 72,3% étaient programmées et 27,7% non programmées. La grande majorité des patients, 88,5% n’ont pas été réhospitalisés, 8,3% ont été réhospitalisés une fois et 3,3% deux fois ou plus. La mortalité à 30 jours, six mois et deux ans, était respectivement de 2,6%, 6,8% et 10,2%.
Pour toutes données corrigées pour l’âge, le sexe, les pathologies associées et la cause principale d’admission, les auteurs observent que :
- Le taux de réadmission à 28 jours était de 3,5%, 6% et 15,3% pour une durée de séjour courte (<1,2 jour), moyenne (1,2–4,3 jours) et longue (>4,3 jours), respectivement.
- Le taux de multiples (≥2) réadmissions à 28 jours était de 0,2%, 1,3% et 8,3% pour une durée de séjour courte, moyenne et longue, respectivement.
- Le taux de mortalité à 30 jours était de 0,8%, 1,1% et 5,8% pour une durée de séjour courte, moyenne et longue, respectivement.
- Le taux de mortalité à 6 mois était de 2,4%, 3,5% et 14,4% pour une durée de séjour courte, moyenne et longue, respectivement.
- Le taux de mortalité à deux ans était de 4,3%, 5,8% et 20,6% pour une durée de séjour courte, moyenne et longue, respectivement.
- Les patients ayant été hospitalisés plus longtemps (>4,3 jours) présentaient un risque plus élevé de réadmissions à 28 jours (OR=2,32), de ≥2 réadmissions à 28 jours (OR=6,17), et de décès à 30 jours, à 6 mois et à deux ans (OR=2,87 ; OR=2,52 et HR=2,25, respectivement).
- La durée de séjour explique à elle seule entre 7,4% et 15,9% de la variance totale observée pour les réadmissions et entre 9,1% et 10% pour la mortalité totale observée à 30 jours et à 6 mois.
- La durée moyenne entre la sortie de l’hôpital et le décès diminuait progressivement au fur et à mesure que la durée de séjour était plus courte (136 jours, 126 jours et 80 jours pour une durée de séjour longue, moyenne et courte, respectivement).
- La durée de séjour lors de la réadmission à 28 jours augmentait au fur et à mesure que la première durée de séjour était plus longue (0,4, 0,9 et 2,8 jours pour une durée de séjour courte, moyenne et longue, respectivement).
À l’issue des résultats de cette étude, les auteurs mettent en avant deux points : premièrement, une durée de séjour plus courte ne semble pas être associée à une augmentation du risque de réadmissions ou de mortalité pour le patient, indépendamment de l’âge, du sexe et de l’état de santé du patient. Cela montre également qu’une durée de séjour plus courte ne signifie pas automatiquement que la sortie de l’hôpital était précoce. Deuxièmement, une durée de séjour plus longue semble être associée à un risque plus élevé de réadmissions et de mortalité pour le patient. Plusieurs causes potentielles sont listées, notamment les risques liés à l’alitement prolongé, les infections nosocomiales ou les réactions indésirables aux médicaments, qui sembleraient augmenter avec une durée de séjour plus longue.
Étant donné les répercussions négatives d’une longue durée de séjour, tant pour le patient (résultats cliniques défavorables) que pour le système de santé (coûts), il s’avère important de mettre en place des mesures visant à réduire cette durée. Une sortie de l’hôpital en temps opportun et en toute sécurité exige des compétences et de l’expérience de la part de l’équipe clinique, une communication fréquente avec le patient et sa famille et une étroite collaboration avec les organismes communautaires.