Introduction
La maîtrise de la qualité et de la sécurité des soins produits par les systèmes de soins est un enjeu permanent pour satisfaire les attentes de la société. Ces systèmes font l’objet d’une demande qui ne cesse d’augmenter et qui se complexifie (grand âge, polypathologie, innovations technologiques et organisationnelles, développement des soins ambulatoires). Dans ce cadre, la Haute Autorité de santé (HAS) a mené une réflexion sur les déterminants transversaux de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé afin d’aider l’ensemble des acteurs à la mise en œuvre de démarches d’amélioration dans ce domaine. Ce travail, qui a fait l’objet d’un rapport [1], est présenté ci-dessous.
Méthode
Définition de la notion de déterminants de la qualité et de la sécurité des soins
Les déterminants transversaux de la qualité et de la sécurité des soins (appelés simplement « déterminants » dans la suite de cet article) ont été définis comme des éléments applicables à toute activité de soins qui, selon la littérature scientifique et le consensus d’experts, contribuent de façon significative à la qualité et à la sécurité des soins. On entend par qualité des soins le degré avec lequel les soins de santé prodigués à la population atteignent le résultat attendu et sont conformes aux données actualisées de la science [2]. La sécurité du patient aborde, quant à elle, la question de la réduction du risque de préjudice évitable subi par le patient et a pour ambition première d’éviter toute inversion du rapport bénéfice/risque à se faire soigner [3]. Les déterminants transversaux s’appliquent à toutes les activités de soins, alors que les déterminants spécifiques s’appliquent à une activité de soins particulière.
Recherche documentaire
La recherche documentaire a été faite à partir d’une revue non systématique de la littérature. Elle a été limitée aux publications de langues anglaise et française et a porté sur la période de 1988 à 2021. La revue de littérature s’est basée sur la veille bibliographique tenue au sein du service documentation et veille de la HAS ainsi que sur des recherches portant sur les termes « quality AND care », « security AND care » dans la base de données Medline. La recherche a été complétée par des requêtes centrées sur certaines problématiques (par exemple, la relation volume d’activité/résultats ou le travail en équipe…). Les articles identifiés ont ensuite été analysés à la recherche de documents pertinents. Une recherche a également été effectuée sur les sites internet de différents organismes nationaux et internationaux (agences sanitaires, sociétés savantes, ministères de la santé, etc.) de façon à identifier des rapports qui n’auraient pas été trouvés lors de la recherche sur les bases automatisées de données bibliographiques. Une veille bibliographique a été maintenue sur le sujet jusqu’en juin 2022.
Résultats
Les déterminants de la qualité et de la sécurité des soins qui se dégagent de l’étude de la littérature ont été classés en quatre familles : les ressources matérielles, les ressources humaines, l’organisation des équipes de soins et la coopération des équipes de soins (Tableau I).
Ressources matérielles
Architecture et conception des établissements
Une attention récente est portée dans la littérature à l’importance de la conception des structures hospitalières pour la qualité et la sécurité des soins et à l’intérêt de la conception du parcours du patient avant celle du bâtiment [4]. L’apport pour la qualité et la sécurité est lié à plusieurs mécanismes, notamment la réduction des erreurs médicales et médicamenteuses (chambres identiques et individuelles, éclairage fort), la réduction des infections (chambres individuelles) ainsi que la diminution des chutes de patients.
Plateaux techniques et équipements
Le lien entre plateau technique et qualité et sécurité des soins est bien établi. Par exemple, une étude a montré que la mortalité hospitalière et la mortalité à un an des patients polytraumatisés hospitalisés dans des centres de traumatologie (trauma centers) avec un plateau technique disponible 24 heures sur 24 permettant toute chirurgie orthopédique ou neurochirurgie, et disposant de la radiologie interventionnelle et d’un service de réanimation, étaient respectivement inférieures de 20% et 25% à celles des patients hospitalisés dans des établissements de santé n’ayant pas de plateau technique accessible 24 heures sur 24 et disposant uniquement d’accords avec des centres plus équipés pour faciliter les transferts.
Systèmes d’information
Les technologies de l’information jouent également un rôle essentiel pour la qualité et la sécurité des soins. Il s’agit notamment d’accéder à l’information pertinente, d’améliorer la communication, de rendre la connaissance accessible, d’aider à la décision, de surveiller et de vérifier en temps réel [6]. Il est essentiel de veiller à la compatibilité informatique entre les systèmes d’information et à la structuration des informations chaque fois qu’elle est possible afin notamment d’assurer la transmission et le partage des données cliniques sur le territoire de santé. Cela reste une priorité pour la qualité et la sécurité des soins, mais aussi pour l’information du patient sur sa situation clinique et sa prise en charge, et pour l’évaluation de la qualité des soins [7]. En santé, la démarche doit aussi veiller à appréhender les risques et les problèmes de sécurité posés par les technologies de l’information [8].
Ressources humaines
Compétence des professionnels
Le système de santé s’articule autour d’une organisation humaine complexe et la compétence des professionnels de santé est déterminante pour la qualité et la sécurité des soins. La HAS a publié une revue de la littérature sur le sujet [9]. La compétence d’un professionnel est définie comme un « savoir-agir » en situation. Elle repose sur des savoirs, un savoir-faire et un savoir être. Elle comporte des compétences techniques spécifiques du métier (connaissances scientifiques, savoir-faire chirurgical) et des compétences non techniques (capacité à travailler en équipe, communication). Les Anglo-Saxons utilisent fréquemment le terme de professionalism pour parler de l’intégration de l’ensemble des compétences qui vont au-delà des connaissances techniques, dont l’importance est documentée [10]. Les formations initiale et continue et le développement professionnel continu des compétences sont identifiés comme déterminants de la qualité et de la sécurité des soins. Ils font partie des recommandations de différentes sociétés savantes et organismes nationaux [11]. Plusieurs pays étrangers (Royaume-Uni, États-Unis, Canada) ont mis en place des mécanismes externes pour évaluer le maintien de la compétence des professionnels dans le temps et garantir la compétence des médecins et des infirmiers. Parallèlement, certains pays anglo-saxons, notamment les États-Unis et l’Australie, ont mis en place de façon très ancienne des mécanismes internes aux établissements de soins visant à s’assurer de la compétence des professionnels qui y exercent [11].
Effectif de personnel et charge de travail
Le lien entre les ratios de personnel et la qualité et la sécurité des soins est étayé par la littérature [12]. Pour ces raisons, les ratios de personnel sont identifiés comme des critères de qualité et font partie des standards nationaux de plusieurs pays. Au-delà des normes et des postes financés, la charge de travail effective est accrue lorsque des postes ne sont pas pourvus, soit ponctuellement (absentéisme), soit plus structurellement (postes vacants). Les problèmes de stabilité des compétences dans le temps, notamment médicales, sont des sources de risques, par exemple en période de congés, de renouvellement des équipes, de changement d’internes [13] et de recours à l’intérim [14].
Permanence des compétences et stabilité des équipes
Des études ont montré que la mortalité des patients admis à l’hôpital les samedis et dimanches était plus élevée que celle des patients admis les jours ouvrables : ce phénomène est appelé « effet week-end » et est particulièrement marqué en cas d’admission aux urgences [15] ou en réanimation [16], et pour les pathologies ayant une mortalité élevée à la phase aiguë et nécessitant une prise en charge spécialisée urgente [17]. La qualité de la continuité des soins est favorisée par la prise en charge longitudinale par le même médecin ou la même équipe, ou par une transmission rigoureuse de l’information [18]. La prise en charge longitudinale et la connaissance des procédures sont affaiblies par le recours à des intérimaires [14]. Pour la permanence des soins, le niveau d’expérience des médecins disponibles sur le site est retrouvé dans la littérature comme un déterminant de la qualité et de la sécurité [19].
Volumes d’activité
La question du lien entre le volume d’activité, notamment en chirurgie, et la qualité est étudiée de longue date. Deux rapports successifs de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) et la littérature récente montrent un lien entre le volume d’activité de l’établissement et la qualité, en particulier pour la chirurgie lourde et complexe [20,21,22]. La nature et le sens de la causalité font toutefois débat : de probables effets d’apprentissage – au niveau individuel (chirurgien), mais aussi au niveau de l’hôpital (transfert de connaissances, mode d’organisation) – semblent expliquer une grande partie de cette corrélation, mais des « renvois sélectifs » (orientation vers les centres ayant une meilleure réputation) sont également un mécanisme possible pour expliquer la liaison observée. Pour la plupart des interventions, il n’existe pas de seuil d’activité unanimement accepté et la relation volume/qualité devient marginale au-delà d’un seuil qui peut être relativement bas, et même s’inverser à partir de certains volumes conduisant à des effets pervers possibles sur la qualité des soins d’une trop forte concentration de l’activité. Une revue récente conclut que le volume par chirurgien et le volume par établissement de santé ont indépendamment l’un de l’autre un effet sur la performance [23]. Cependant, une étude française récente n’a pas montré de lien pour dix interventions digestives, cardio-vasculaires ou orthopédiques [24]. En obstétrique, plusieurs études sur la relation entre volume et performance ont mis en évidence une relation en U : les centres avec un très faible ou un très important nombre de naissances ont plus de complications. Les raisons invoquées pour les moins bons résultats observés dans les centres à haut volume sont une plus grande variabilité des pratiques, notamment en rapport avec l’exercice de médecins en formation, un plateau technique et des moyens insuffisants pour l’activité, mais aussi un possible défaut de prise en compte des caractéristiques pronostiques des parturientes qui y sont prises en charge [25]. L’association volume/performance a également été démontrée pour des prises en charge médicales [26] et en réanimation [27]. L’existence d’un lien entre volume et qualité a conduit le Royaume-Uni et les États-Unis à rendre publics le volume d’activité et les complications annuelles de chaque chirurgien pour les interventions les plus risquées [28,29]. Cette publication apparaît utile pour inciter à des démarches d’amélioration des pratiques et éclairer le choix des patients malgré la complexité des données et de leur analyse (ajustement, petits nombres, lien entre la performance de l’équipe et celle du chirurgien) [30]. Cependant, la publicité des résultats des soins fait l’objet de réserves et de débats, notamment parce qu’elle pourrait inciter certains chirurgiens à ne pas prendre en charge les patients à risque opératoire élevé ou à réaliser des interventions non indiquées pour atteindre le seuil recommandé [31]. Il est important de discuter la question de la pertinence des interventions réalisées dans le cadre d’un dispositif de régulation exigeant un critère d’autorisation fondé sur le volume d’activité réalisé.
Organisation des équipes de soins
La maîtrise de la qualité et de la sécurité repose sur une approche collective organisée et le développement d’une culture favorable. Une majorité des événements indésirables a comme facteurs contributifs des défauts d’organisation, de vérification, de coordination ou de communication liés à un manque de culture commune de sécurité et de travail en équipe [32].
Facteurs de gouvernance et de culture
La performance et la fiabilité des organisations humaines que sont les services de soins reposent sur une culture de la qualité, de la sécurité, du travail en équipe, mais aussi de la qualité de vie au travail, et sur une éthique, le sens du service, le sens du soin, insufflés par la gouvernance et partagés par tous les membres de l’équipe. Cet ensemble constitue la culture favorable à la qualité et à la sécurité des soins [33].
Gouvernance et capacité à mener les équipes
Le pilotage au niveau de l’établissement et le style d’organisation et d’animation des équipes sont considérés comme des déterminants de la qualité et de la sécurité des soins, mais aussi de la qualité de vie au travail donc de la stabilité des personnels [34]. L’accent est mis sur l’importance de la formation des responsables, médicaux et non médicaux, et sur le réinvestissement de l’échelon du service de soins et de la fonction de chef de service. Compte tenu de l’importance de la gouvernance des équipes de soins, une grande attention doit être portée à la sélection, la formation à la gouvernance, l’évaluation et la valorisation des chefs d’équipe [35]. Au-delà des organisations théoriques et des directives, ce qui est déterminant pour la qualité et la sécurité des soins, c’est la capacité des femmes et des hommes qui occupent les postes de responsabilité à animer les organisations, et en particulier les équipes de soins (leadership) [36].
Fiabilité des organisations humaines
La prise en charge, aussi bien préventive que curative, des « citoyens-patients » est de plus en plus souvent le fruit d’une collaboration entre plusieurs professionnels de santé. Pour chaque soin, le parcours fait intervenir une ou plusieurs équipes au sein desquelles coopèrent différents professionnels, différentes structures, différentes filières. Ces organisations humaines complexes concourant aux soins sont sources de risques, de décisions erronées. Les règles de fiabilité et la culture de la vigilance des organisations humaines déduites des expériences acquises dans les domaines à haut risque technologique (industrie nucléaire, aviation…) s’appliquent au domaine de la santé [37].
Méthodes de mise en œuvre des bonnes pratiques de soins
Les méthodes de mise en œuvre des bonnes pratiques de soins regroupent les « solutions pour la sécurité » comme les listes de vérification (check-lists) et les bouquets de recommandations (bundles). La littérature montre l’effet de ces solutions, par exemple sur la prévention des pneumonies acquises sous ventilation mécanique [38] et sur l’amélioration de la sécurité du patient au bloc opératoire [39]. Toutes les expériences insistent sur le fait que la liste ou le bouquet ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour assurer le succès mais que le résultat dépend de nombreux autres facteurs liés à la gouvernance [40] : l’engagement des responsables, un juste équilibre entre la standardisation et la flexibilité, l’importance donnée au retour d’expérience des professionnels de première ligne, le partage d’information entre les différentes unités de soins, le suivi des résultats et le développement plus général d’une culture de sécurité [41].
Travail en équipe
Prenant en compte les enseignements des domaines à risque, le rôle du travail en équipe sur la qualité et la sécurité des soins est reconnu depuis le début des années 2000 [42]. L’importance du travail en équipe est expliquée par plusieurs facteurs. Tout d’abord, parce que la médecine devient de plus en plus complexe et nécessite l’association de différentes compétences, ce d’autant que les pathologies deviennent chroniques et que les patients sont souvent porteurs de comorbidités, nécessitant des approches pluridisciplinaires. Ensuite, parce que l’amélioration du travail en équipe a démontré son efficacité en matière d’amélioration de la sécurité des patients et de diminution des complications [43]. Les données des programmes d’événements sentinelles de l’accréditation des établissements américains indiquent que les problèmes de fonctionnement d’équipe sont à l’origine de la majorité des événements indésirables graves [44]. De plus, il apparaît que le travail en équipe efficace améliore le bien-être au travail et diminue le risque d’épuisement professionnel [45].
Mise en œuvre des bonnes pratiques
Depuis les années 1990, l’evidence based medicine a hiérarchisé la production scientifique, ce qui a permis de proposer des recommandations de bonnes pratiques [46] qui ont pour objectif d’informer les professionnels de santé et les usagers du système de santé sur l’état de l’art et les données acquises de la science, afin d’améliorer la prise en charge et la qualité des soins, et de limiter la variabilité des pratiques [47] et les dépenses indues [48]. Des pratiques de sécurité ont ainsi émergé et ont été promues [49]. Les bonnes pratiques démontrées et recommandées doivent être appliquées. Les barrières à franchir entre le concept et la pratique sont nombreuses [32]. Des études menées sur le sujet ont montré que le taux de respect des bonnes pratiques professionnelles était de l’ordre de 50% [50]. Le succès dépend de la stratégie de mise en œuvre (implémentation) et de l’implication de la gouvernance dans la démarche, non seulement à la phase initiale, mais aussi dans le temps par l’évaluation des résultats et la rétro-information des professionnels [51].
Pertinence des soins
La pertinence des soins est un enjeu sanitaire majeur et contribue à la résilience de notre système de santé face aux contraintes démographiques, épidémiologiques et environnementales. Le soin pertinent est le juste soin (actes, prescriptions, prestations), au bon patient, au bon moment, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles. Il est estimé qu’environ 20% des dépenses totales de santé seraient gaspillées [52]. Afin d’améliorer la pertinence des soins, il convient d’agir sur trois axes : la surutilisation, la sous-utilisation, plus fréquente, et le gaspillage opérationnel [53].
Approche centrée sur le patient et engagement des usagers
La notion d’approche centrée sur le patient est considérée comme un élément essentiel pour l’évolution du système de santé et des organisations de santé [54]. La littérature décrit des effets positifs d’une « approche centrée sur la personne » [55]. L’engagement des usagers dans les politiques et les actions pour la sécurité du patient est considéré aujourd’hui comme indispensable à la fois comme marqueur et comme levier pour une culture de la sécurité [56]. L’approche centrée sur le patient adapte la mise en œuvre des bonnes pratiques à chaque patient. L’accessibilité des soins sur le territoire doit être organisée en tenant compte des patients (handicap intellectuel, moteur ou sensoriel, moyens de transport, isolement) et des conditions locales (géographie, météorologie). Il faut systématiquement dépister l’éventuelle vulnérabilité psycho-socio-environnementale pour adapter le projet de soins et l’accompagnement des patients, comme cela vient d’être recommandé par le Haut Conseil de la santé publique pour le virage ambulatoire [57].
Évaluation et démarches d’amélioration
Le premier temps de la démarche d’amélioration est de mesurer donc de recueillir des indicateurs de structure, de procédure ou de résultats, puis de les comparer à des références et enfin d’envisager comment améliorer le processus de soins [58]. La littérature indique que la mesure des résultats cliniques et la rétro-information vers les établissements, les services et les professionnels sur leur performance conduisent à une amélioration des résultats [59]. Les indicateurs de qualité et de sécurité des soins peuvent être issus des dossiers des patients, des bases de données médico-administratives dont la médicalisation et les liaisons entre elles sont souhaitables [60], des registres de spécialité sans méconnaître leurs difficultés [61], de questionnaires adressés aux établissements ou aux patients et, à l’avenir, de données de vie réelle à partir des entrepôts de données [62]. Il existe trois types de mesures qui évaluent la qualité des soins perçue par les patients avec des outils distincts : les patient-reported outcome measures (PROMs) pour le résultat des soins, les patient-reported experience measures (PREMs) pour l’expérience des soins et les questionnaires de satisfaction des patients pour la réponse à leurs attentes. Les expériences ont démontré les bénéfices de ces mesures de la qualité des soins perçue par les patients [63]. La satisfaction est influencée par les attentes et les préférences du patient ; elle reflète le degré de concordance entre les attentes vis-à-vis des soins et la perception de la qualité des soins réalisés [64]. La satisfaction, l’expérience et les résultats des soins sont des concepts différents ; leurs mesures présentent chacune des avantages et des limites et apparaissent complémentaires [65]. De nombreux mécanismes d’évaluation et d’amélioration renforcent la qualité et la sécurité du travail des équipes de soins. Des mécanismes fondamentaux sont à la base de la démarche d’amélioration de la qualité des soins et de la culture de la sécurité des soins : l’évaluation des pratiques [66], la fixation de standards et l’évaluation du respect des standards [67], le recueil et l’analyse des événements indésirables [68], l’accréditation ou la certification de secteurs d’activité [69], les mécanismes d’évaluation et d’accréditation d’équipe [70], les mécanismes d’évaluation et de développement des compétences [71]. La diffusion publique de l’information sur la qualité de l’offre de soins se développe dans le monde depuis la fin des années 1980 dans un objectif à la fois de régulation et de développement de la démocratie sanitaire. La diffusion publique peut contribuer à l’amélioration de la qualité des soins par différents mécanismes. Elle induit une plus grande exigence du public en favorisant une meilleure appropriation du concept de « qualité des soins ». Elle est efficace auprès des professionnels de santé, de l’équipe soignante à la gouvernance, en stimulant leur participation à l’amélioration de la qualité des soins (protection ou amélioration de leur réputation, amélioration de la compétitivité…). Si des études récentes semblent étayer l’effet bénéfique de la diffusion publique des résultats dans différents domaines [29], elle fait l’objet de réserves et de débats [31].
Gestion des risques
La gestion des risques est une démarche essentielle pour améliorer la qualité et la sécurité des soins en établissement de santé. La certification des établissements de santé promeut la mise en place d’une démarche globale, transverse et coordonnée de gestion des risques, fondée sur une approche systémique du risque et intégrée au projet de gouvernance [72]. La gestion des risques n’est pas uniquement une action immédiate et corrective liée à un événement indésirable, une situation de crise ou l’actualité. Son but est d’organiser de façon collective, cohérente et pérenne la gouvernance et la lutte contre les événements indésirables en fonction d’un programme d’actions tenu régulièrement à jour selon les priorités et les risques spécifiques de l’établissement.
Qualité de vie au travail
La qualité de vie au travail des professionnels est identifiée comme une condition essentielle de la qualité et de la sécurité des soins et de la transformation du système de santé requise pour améliorer la sécurité des patients [45]. Une abondante littérature fait le lien entre les conditions de travail, la satisfaction au travail et la qualité des soins. Plusieurs éléments influencent la qualité de vie parmi lesquels : des effectifs adaptés à la charge de travail, la gouvernance du secteur d’activité, les relations entre soignants non médicaux et médecins et l’engagement des professionnels [73]. La qualité de vie au travail est aussi un des éléments d’attractivité et de fidélisation des personnels, médicaux et non médicaux, donc de stabilité des équipes, déterminant de la qualité des soins [74].
Coopération des équipes de soins
L’amélioration des pratiques, la mesure des résultats et la prévention des risques doivent concerner toute la chaîne de production de soins, y compris les pratiques économiques et administratives, la formation et la recherche.
Coopération des équipes de soins au sein de l’établissement
La prise en charge d’un patient fait très souvent appel à la coopération de plusieurs équipes au sein d’un établissement : recours au plateau technique, coopération de plusieurs services au sujet d’un même patient, transfert d’un service clinique à l’autre. Le projet médical et le projet de soins de l’établissement doivent organiser ces coopérations.
Coopération des équipes de soins, parcours de soins et gradation de l’offre au sein du territoire
L’offre de soins de l’établissement doit être clairement définie et positionnée par rapport à l’offre présente sur le territoire et intégrée dans les parcours de soins. Cela doit permettre d’articuler la prise en charge du patient dans l’établissement avec sa prise en charge en amont et en aval. La coordination entre les intervenants et les structures est essentielle. Les documents permettant la liaison entre les différents acteurs assurent la continuité de la prise en charge [75]. Les ruptures dans la prise en charge et la transmission de l’information sont génératrices de risque [76]. Le volet de synthèse médicale [77] et le dossier de liaison d’urgence pour les personnes âgées [78] permet d’améliorer les transferts d’informations utiles au médecin intervenant en urgence. De même, la lettre de liaison à la sortie, remise au patient et adressée au médecin traitant permet de fiabiliser la sortie en assurant la continuité des soins. Il s’agit également d’assurer la complémentarité entre les établissements du territoire pour la prise en charge des patients.
Discussion
Apports et limites des données de la littérature
L’étude de la littérature a permis de mettre en évidence des données saillantes et d’identifier des déterminants manifestes de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé. Il convient néanmoins de mentionner les limites de ce qui peut être affirmé à partir des données de la littérature. Le niveau de preuve des publications qui permettent de faire état de ces déterminants est variable et des essais contrôlés sont rarement réalisés dans ce domaine car ils concernent des études organisationnelles [79]. Le lien identifié entre un facteur et la qualité des soins ou la sécurité des patients, qui conduit à considérer ce facteur comme un déterminant, n’est pas toujours synonyme de causalité. La capacité à mesurer l’atteinte d’un niveau de qualité correspondant à un déterminant est variable. Ainsi, selon les sujets, l’évaluation du lien entre le résultat d’un secteur d’activité et un déterminant sera plus ou moins aisée, appréhendable ou non de façon fiable selon des éléments plus ou moins objectivables. Dans certains cas, l’évaluation est facile en faisant appel à des critères quantifiés, voire binaires (présent/absent). Parfois, le recours à une évaluation sur place peut être nécessaire. Des déterminants essentiels peuvent correspondre à des modalités d’évaluation complexes à mettre en œuvre, mais l’évaluation du résultat final de la prise en charge permet d’évaluer l’effet de l’amélioration de chaque déterminant. Par ailleurs, la part respective des différents déterminants dans le résultat final est variable selon le soin considéré. Malgré ces limites, la convergence des études et des publications suggère que ces familles de déterminants représentent des composantes essentielles pour la qualité et la sécurité des soins.
Des familles de déterminants interdépendantes constituant un système
Les familles de déterminants de la qualité et de la sécurité des soins identifiées sont interdépendantes et constituent un système. Ainsi, la qualité de la gouvernance conditionne la qualité des parcours et des pratiques, le bon fonctionnement de l’équipe et la bonne mise en place des exigences fixées par la réglementation. De ce fait, un niveau satisfaisant des établissements et des secteurs d’activité est nécessaire sur chacune des familles pour dispenser des soins de qualité et assurer la sécurité des patients. Ils composent une chaîne dans laquelle le maillon le plus faible conditionne la qualité de l’ensemble. La prise en charge des patients au sein de réseaux dans lesquels différents services sont connectés rend les déterminants de la qualité et de la sécurité des soins de ces services interdépendants lors du fonctionnement opérationnel en réseau.
Conclusion
La qualité et la sécurité des soins sont une attente légitime des usagers et contribuent à l’efficience et à la résilience de notre système de santé. Il s’agit néanmoins d’une quête difficile comme en témoignent les efforts de l’ensemble des pays en ce sens et la difficulté à diffuser dans tous les secteurs les meilleures organisations et pratiques. Les professionnels de santé et les responsables des différents secteurs d’activité au sein des établissements trouveront dans ce travail les argumentaires et les programmes pour améliorer la qualité et la sécurité de leurs soins. Les établissements et les agences régionales de santé pourront l’utiliser pour réguler les activités de soins. Enfin, le législateur pourra prendre appui sur ces éléments pour assurer une restructuration de l’offre de soins par la qualité et la sécurité.