Le principe de précaution a envahi la sémantique du risque sanitaire. Prion, OGM, gaucho, légionellose, xenopi, canicule, radiothérapie, SRAS, grippe H5N1, grippe A H1N1… Toute menace justifie son invocation. La profusion des discours n'a pourtant pas clarifié la notion, ni accru son caractère opératoire. Le principe de précaution est présenté sous de multiples visages. Il est tour à tour regardé comme un principe moral, une norme juridique, une obligation d'état ou un standard de comportement pour les acteurs économiques. Il est théorisé comme une méthode d'action rationnelle face au risque et, dans le même temps, dénoncé comme un réflexe d'abstention forgé par nos peurs collectives. Il peut être analysé comme une règle moderne des procédures de choix dans une démocratie mais aussi comme l'expression médiatique d'un obscurantisme renaissant, d'une réaction anti-scientiste aux excès des pouvoirs technocratiques. Dans son expression de bon sens, le principe de précaution énonce un précepte d'action. "Dans le doute, met tout en œuvre pour agir au mieux"rappelle le rapport des professeurs Viney et Kourilsky [1] qui lui a été consacré. Pourtant ce principe paraît bousculer les règles de l'action et de la responsabilité et remettre en question bien des aspects de nos processus de décision. Pour en mesurer la portée, il n'est pas inutile de revenir sur la dualité de ses origines juridiques et de s'interroger sur les ressorts de l'attitude de précaution sur le champ de la santé avant de tenter de dégager des composantes de l'obligation de précaution en santé publique.