« Être accrédité ou ne pas être accrédité ? », telle est la question ! Arrivée en Belgique il y a une vingtaine d’années, d’abord en Flandre puis à Bruxelles et en Wallonie, la démarche d’accréditation (certification en France) des institutions de soins est en constante évolution. Si cet outil en faveur de l’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients a occupé le devant de la scène depuis plusieurs années, les questions sur sa pertinence dans le long terme se multiplient. À tel point qu’il n’est pas impossible que le paysage de l’amélioration continue en Belgique soit profondément chamboulé dans les prochaines années.
Petit état des lieux
Suite à la déclaration de politique régionale (DPR) de 2009 en Flandre et à l’engagement massif des hôpitaux flamands dans la démarche, les premiers hôpitaux bruxellois et wallons se sont lancés dans l’accréditation en 2013-2014. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la Paqs a été créée à l’époque, pour répondre aux nombreuses questions qui se posaient et accompagner les institutions dans les premiers pas de la démarche.
À ce jour, à Bruxelles et en Wallonie, sur la base des informations disponibles publiquement ou communiquées par les institutions elles-mêmes, le paysage de l’accréditation des hôpitaux est le suivant : 36% des hôpitaux sont accrédités et 12% sont dans leur premier cycle. Ce qui signifie que près de la moitié des institutions bruxelloises et wallonnes auront été au moins une fois accréditées d’ici deux ans (durée habituelle d’un processus une fois celui-ci lancé). Il faut tenir compte d’un effet « taille » (les plus petites institutions sont proportionnellement moins nombreuses à avoir entamé un tel processus), mais aussi d’un effet « secteur » : le secteur de la santé mentale ne représente que 10% des institutions accréditées ou en cours.
Les institutions accréditées le sont toutes par Accréditation Canada, sauf une qui a pu bénéficier d’un projet pilote avec la Haute Autorité de santé. En ce qui concerne les maisons de repos, une dizaine est accréditée en Wallonie, également par Accréditation Canada.
En Flandre, tous les hôpitaux sont accrédités, dont certains (comme l’UZ Leuven) depuis presque vingt ans. Dès lors, d’un point de vue strictement quantitatif, la Flandre est plus avancée en la matière, et l’on peut donc supposer que la culture qualité y est plus implantée (il s’agit d’un effet documenté de l’accréditation). La DPR de 2009 a certainement joué un rôle clé en la matière, la fixation d’un cadre et la définition d’une vision claire étant des leviers importants pour initier ce type de démarche. Toujours selon nos informations, le « marché » en Flandre est plus ou moins équilibré entre la Joint Commission International1 (JCI), branche internationale d’un organisme américain, et Qualicor2, organisme hollandais travaillant avec les référentiels et les outils d’Accréditation Canada.
Une démarche en pleine évolution
En Flandre, la maturité vis-à-vis des démarches d’amélioration continue apparaît donc plus importante qu’à Bruxelles et en Wallonie. Tous les hôpitaux sont accrédités et l’utilisation des indicateurs y est généralisée, notamment via le Vlaams Instituut voor Kwaliteit van Zorg3 (VIKZ). Dans ce contexte, on assiste actuellement en Flandre à un questionnement profond sur l’accréditation, et notamment sur le rapport coût/bénéfice une fois que plusieurs cycles ont été réalisés avec succès.
Certains hôpitaux semblent avoir conclu de ce questionnement qu’il était temps pour eux de « passer à autre chose », les fondations de la culture qualité étant en place. Au moins deux approches se dégagent.
- La KULeuven a développé son propre modèle qualité : FlaQuM4. Non certifiant, il vise à encadrer et soutenir des actions plus « bottom-up », après l’évaluation de la maturité de l’institution. Une équipe de chercheurs travaille sur ce modèle, qui est aujourd’hui en cours de déploiement dans plus de vingt hôpitaux flamands.
- L’UZ Gent (hôpital universitaire de Gand) a opté pour une sélection, au sein des référentiels internationaux, des critères sur lesquels il souhaite travailler. Cette sélection a été réalisée avec le terrain, afin d’en maximiser l’appropriation. L’objectif est donc de concentrer le travail sur des réalités et des besoins plus proches du terrain, sans développer ses propres standards.
Il convient néanmoins de souligner que selon plusieurs sources en Flandre, les hôpitaux flamands qui arrêtent aujourd’hui l’accréditation souhaiteront probablement à nouveau se faire accréditer dans le futur, au moins de manière ponctuelle, pour se confronter à une vision/évaluation externe internationale.
D’un autre côté, les organismes d’accréditation font évoluer le dispositif pour tenir compte de l’évolution des systèmes de santé et des contraintes existantes. Citons par exemple le déploiement à venir d’une accréditation lissée dans le temps (plutôt qu’en une fois), ou encore l’accréditation d’un réseau hospitalier dans son ensemble. La sortie des « murs de l’hôpital » est aussi au programme, avec l’accréditation de maisons de repos (en Wallonie aussi), des soins à domicile, ou encore l’accréditation de trajets de soins, avec l’intégration du système de santé en point de mire.
À Bruxelles et en Wallonie, si le paysage de l’accréditation est donc encore fort éloigné de celui de la Flandre, les questionnements des hôpitaux flamands ont « cheminé » vers les deux autres régions. Avec, en outre, un marché qui évolue fortement, ce qui amène d’autres questionnements dans le chef des institutions de soins, notamment au niveau de la sélection du « meilleur » opérateur. En effet, à côté d’Accréditation Canada présent en Belgique depuis dix ans, la Haute Autorité de santé a aujourd’hui la possibilité de travailler à l’étranger, et donc en Belgique. Plusieurs hôpitaux ont déjà signé avec l’organisme français et d’autres sont en réflexion. Et si la JCI semble restée marginale, de nouveaux acteurs privés, pas encore accrédités par l’International Society for Quality in Health Care (ISQua), s’intéressent au marché belge. Enfin, au moins un hôpital a entamé une démarche similaire à celle menée par l’UZ Gent.
Au niveau des autorités, l’existence d’un incitant direct à entreprendre (ou à continuer) un processus d’accréditation ne semble plus être à l’ordre du jour. Au niveau fédéral, l’indicateur « statut d’accréditation » pourrait disparaître du P4P5 à plus ou moins court terme. À Bruxelles et en Wallonie, les dispositifs réglementaires Qualité publiés ou en développement ne font pas de l’accréditation une priorité en tant que telle, seule l’existence d’une démarche d’amélioration continue est pointée comme étant nécessaire.
Et demain ?
Que deviendra l’accréditation en Belgique ? Seul l’avenir nous le dira. Mais la question fondamentale est en réalité toujours la même qu’il y a dix ou vingt ans : comment faire en sorte d’inscrire dans le temps les démarches d’amélioration continue afin d’améliorer significativement et durablement la qualité des soins. Et la réponse n’a pas vraiment changé : l’accréditation est un outil qui, dans une certaine mesure, a fait ses preuves pour établir les fondamentaux de la qualité et donner une direction aux initiatives entreprises. Dans ce sens, c’est un outil qui s’avère fort utile. Mais il n’est ni indispensable, ni suffisant.
Le développement d’une culture qualité, à travers le développement de compétences, l’existence d’un leadership fort et partagé, et l’engagement des équipes autour d’un sens au travail et d’une raison d’être retrouvés restent les éléments indispensables à l’amélioration de notre système de santé. C’est donc sur ceux-ci que doivent se concentrer les efforts, quel que soit l’outil choisi.
Notes :
1- https://www.jointcommissioninternational.org/ (Consulté le 04-12-2023).
2- https://www.qualicor.eu/ (Consulté le 04-12-2023).
3- https://zorgkwaliteit.be/ (Consulté le 04-12-2023).
4- https://flaqum.org/ (Consulté le 04-12-2023).
5- Pay for Performance. Voir https://www.health.belgium.be/fr/programme-pay-performance-p4p-pour-les-hopitaux-generaux-0 (Consulté le 04-12-2023).