Policy Points. The concept of value complexity (complexity arising from differences in people’s worldviews, interests, and values, leading to mistrust, misunderstanding, and conflict among stakeholders) is introduced and explained. Relevant literature from multiple disciplines is reviewed. Key theoretical themes, including power, conflict, language and framing, meaning-making, and collective deliberation, are identified. Simple rules derived from these theoretical themes are proposed.
Commentaire du Dr Marius Laurent (PAQS)
- Le terme « complexité » est de plus en plus présent dans la littérature consacrée à la gestion du risque. Il n’est quasiment jamais explicité de manière claire et compréhensible, sans utiliser des équations mathématiques inaccessibles pour le commun des mortels. Il inclut bien sûr la présence de nombreux paramètres décrivant le système, mais surtout les caractéristiques des interactions qui les lient, qui sont rarement linéaires (les effets ne sont pas proportionnels à leur cause), et introduisent une notion incontournable d’incertitude. Mais l’appréhension de la complexité nécessite aussi la prise en compte de sa dimension humaine et politique.
- L’article fait une place aux théories de Rittel [1] et à sa conception « sociologique » de la complexité avec l’intervention de « problèmes pernicieux » (wicked problems), difficiles à décrire, et dont la définition peut varier en fonction des solutions que l’on entrevoit. Les auteurs évoquent des questions récentes où des nuances de langage cachent des conceptions différentes du problème étudié, qui entraînent des solutions spécifiques et provoquent des controverses opposant des « écoles de pensée » distinctes. Ils citent entre autres la question du mode de transmission du SARS-CoV-2 : gouttelettes ou transmission par voie aérienne ? Masque ou pas ? Aérer les locaux ou pas ?
- Ils font dix « prescriptions » pour aborder les problèmes complexes :
- veiller à leur approche en équipe et à la pluridisciplinarité des acteurs sans négliger leur sécurité psychologique ;
- ne pas négliger le rôle subtil que peuvent jouer les enjeux de pouvoir ;
- ne pas fuir les conflits. La « vision partagée » est une notion rationnelle, la complexité est par essence conflictuelle ;
- être prudent avec les mots utilisés : nos mots expriment souvent nos conceptions quant à la solution que nous attendons, qui influence à son tour notre vision du problème ;
- se méfier des valeurs cachées derrière des technologies « objectives » : les listes de réponses possibles présentées par un logiciel reflètent les valeurs soutenues par le « programmeur », qui « programme » ainsi l’utilisateur aussi ;
- rester sceptiques devant les chiffres, les mesures et les schémas. Ils sont des arguments pseudo-objectifs qui servent les visions promues par les auteurs qui les ont choisis ;
- rester conscient que des milieux différents entraînent des points de vue différents. Reconnaître l’existence de ces « cadres » aide à mieux comprendre et accepter ces conceptions, premier pas vers une communication qui jette des ponts et ne dresse pas des murs ;
- rester conscient de l’incertitude inhérente au système complexe, même quand on pense « commencer à comprendre » ;
- les actions doivent faire l’objet de délibération : il n’y a pas de vérité objective, scientifique dans un problème complexe : les actions doivent naître d’un consensus ;
- il n’y a pas de vérité écrite, coulée dans le bronze dans une situation complexe. Une situation complexe est une histoire de type « il était une fois » : elle ne se reproduit jamais parfaitement, et les solutions d’aujourd’hui ne seront pas les solutions de demain.
- Ces points de vue requièrent un changement dans la manière de conceptualiser la complexité : non pas comme une théorie abstraite fondée sur des concepts mathématiques, mais comme une théorie qui se concrétise par le biais de l’action et de l’interaction humaines.
Greenhalgh T, Engebretsen E, Bal R, Kjellstrom S. Toward a values-informed approach to complexity in health care: Hermeneutic review. Milbank Q 2023;101(3):646-74.
Doi : 10.1111/1468-0009.12656.
Références
1- Rittel HWJ, Webber MM. Dilemmas in a general theory of planning. Policy Sci 1973;4(2):155-169.