Le monde des soins de santé est en train de vivre de nombreux bouleversements. Que ce soit pour les patients ou le personnel des institutions, les attentes évoluent rapidement. Ces nouvelles attentes, et les nouvelles problématiques qu’elles génèrent, nous imposent de nouvelles solutions, y compris au niveau du leadership et de la façon de diriger nos institutions de soins. Ce mouvement nous pousse à changer de modèle et à aider le personnel à se l’approprier.
Certains exemples reconnus comme Virginia Masson aux États-Unis mais aussi en Europe avec Jönköping en Suède ou au Royaume-Uni avec le National Health Service d’Écosse, démontrent qu’il est possible de transformer radicalement le système pour améliorer les résultats obtenus en matière de soins et donc de santé de la population.
Changer de leadership
Diverses études ou articles [1,2,3][liste non exhaustive] tendent à démontrer le lien entre leadership et résultats dans les soins de santé. Il existe de nombreuses preuves de l’impact d’un leadership impliqué et fort sur l’amélioration de la qualité des soins et la réduction des incidents ou évènements indésirables.
Nouvelles technologies, ou implication de plus en plus forte de nos patients, mais aussi pression financière et réformes de l’organisation des soins poussent nos institutions à devoir continuellement s’adapter. Il devient alors utile de repenser l’implication de nos leaders, pour obtenir des résultats de plus en plus efficients avec un personnel parfois difficile à engager. Au niveau du management, il devient indispensable de changer de paradigme et de vision sur la gestion des institutions.
Pour améliorer la santé des populations, les soins, mais aussi réduire les coûts de ces derniers (le triple objectif), il est primordial de développer le leadership de toutes les personnes impliquées dans les soins. Si nous voulons obtenir des résultats ambitieux, le changement devra être à la mesure de ces aspirations. Ce n’est qu’en changeant de modèle de gouvernance que nous pourrons vraiment avoir un impact et aboutir à des changements profonds dans nos systèmes de santé.
C’est donc un tournant global qui doit s’opérer dans nos systèmes de soins. Ce futur commence par une vision radicalement différente du management d’une institution, et s’amorce au niveau le plus haut de celle-ci. Le management doit adopter un modèle de leadership dont l’impact sera fort et changer la façon dont il considère les défis et les problèmes qui se posent à lui. Le mode de pensée et les convictions des dirigeants façonnent et orientent leurs comportements de leadership. Dès lors, de nouveaux modèles, des comportements différents et un cadre ciblant leurs efforts sont nécessaires pour changer la façon dont ils voient le monde.
Si la satisfaction des patients et l’augmentation du chiffre d’affaires sont les indicateurs principaux des managers d’aujourd’hui, ceux qui survivront se concentrent déjà sur les personnes, patients et personnels, pour en faire de véritables partenaires dans les soins. Bien au-delà de la simple augmentation des rentrées financières, ils ont déjà décliné leur stratégie managériale au travers de la qualité. Ils optimisent le système en permanence pour l’améliorer, et encouragent tout le personnel à intégrer la qualité comme une partie à part entière du travail quotidien. La concentration sur l’amélioration de l’expérience et des résultats liés aux soins prodigués devient alors l’exigence principale du leader.
Pour traduire en actes cette théorie, les managers doivent adopter de nouveaux comportements leur permettant d’analyser et d’évaluer leurs propres pratiques afin d’obtenir les meilleurs résultats.
Il est grand temps de passer de la notion de volume à la notion de valeur !
De nouveaux comportements
Les managers doivent être constamment centrés sur les personnes, en paroles et en actes, et s’engager en première ligne par une présence authentique, régulière et se faisant les défenseurs visibles de l’amélioration continue. Leur seul véritable point d’attention doit être focalisé sur la vision et la stratégie définie pour l’institution. Cette attention exige de la transparence sur les résultats, les progrès, les objectifs et les défaillances du système. Les managers doivent aussi en permanence encourager et mettre en pratique une pensée systémique et une collaboration au-delà des limites de secteurs. Aller plus loin, partager plus et se détacher des contraintes liées à la concurrence et à l’organisation historique du secteur.
L’ensemble des managers doit donc organiser et concentrer ses efforts pour chercher à atteindre le triple objectif (améliorer la santé des populations, les soins, mais aussi en réduire les coûts) par une série d’actions. Celles-ci se centrent sur les personnes en incluant des patients dans les équipes d’amélioration sur le terrain, en commençant les réunions par des histoires vécues et des données issues d’expériences véritablement vécues. C’est lors des tours de sécurité effectués par le management que l’engagement envers les patients et les familles est montré en exemple pour tous.
Parallèlement, chaque manager doit créer une vision et faire grandir cette volonté d’implications dans la mise en place d’objectifs, de mesures et de résultats pour tous les projets ou comités de pilotage présents dans le système. Cela permet alors au leader de diriger son attention sur les efforts prioritaires et de discuter des mesures et des résultats en toute transparence.
La première tâche du leader consiste donc à collecter et utiliser des données objectives, pour identifier les premiers points d’actions qui feront l’unanimité auprès des collaborateurs. Le leader doit se concentrer sur certaines actions permettant de motiver et d’engager ses collègues ou collaborateurs. Visualiser des objectifs et affirmer des valeurs permettent de motiver et manager les participants, pour atteindre ce dénominateur commun minimal permettant le travail. C’est en expliquant et en servant « d’exemple » que le leader pourra créer cet engagement. Il pourra alors représenter le groupe auprès de décideurs ou des parties prenantes pour avancer vers les solutions. Tout cela doit être mené en parallèle avec une recherche permanente d’innovation dans les approches et les solutions proposées.
Cependant, être un leader ne signifie pas forcément être populaire. La popularité n’est pas du leadership, les résultats le sont ! En effet, un leader a des suiveurs, mais il n’est pas aimé ou admiré, il est juste visible. Sans rang, titre ou privilège, il fait ce qui doit être fait, afin de créer la différence tout en s’alignant sur les missions et les objectifs de l’organisation. Le leader a, pour ce faire, une grande tolérance envers les autres, sans craindre ni ses faiblesses ni ses lacunes : il se regarde dans le miroir et ne recherche pas des copies conformes de sa manière de travailler chez ses collaborateurs. C’est en sachant parler à toutes les disciplines qu’il pourra diffuser un changement dans une unité, puis un département et enfin une institution. Ce n’est alors qu’à ce moment qu’il pourra chercher à pérenniser un changement.
Engager le personnel
Seul, ce changement de leadership n’a toutefois aucune chance d’exister dans la longueur, ni même de prendre. La nouvelle stratégie doit s’accompagner d’une implication de l’ensemble des personnels, qui doivent s’approprier tant leur travail, que leur environnement institutionnel. Ils doivent avoir la liberté d’assumer au mieux leurs fonctions et de développer des projets d’amélioration continue pour atteindre l’objectif final : prendre soin de nos patients.
C’est en développant les capacités de tous avec l’apprentissage des bases de l’amélioration continue, mais aussi en investissant dans les structures et les ressources requises, que l’on peut intégrer la qualité dans le travail journalier à tous les niveaux de l’institution.
De cette manière, les managers pourront façonner une nouvelle culture, reposant sur la communication et l’exemplarité des comportements souhaités, qui visent à atteindre le type de leadership et de politiques organisationnelles désirés. Sans oublier de prendre des mesures rapides et cohérentes vis-à-vis de comportements non désirés.
Ce n’est qu’en impliquant l’ensemble des personnels, mais aussi en dépassant les limites de leurs propres secteurs d’activité que le changement abordé pourra prendre et se pérenniser. Mais comment impliquer les personnels, comment les rendre acteurs du changement pour qu’ils deviennent à leur tour des leaders à leurs niveaux d’action ?
Toute personne peut prendre, à son niveau, une position de leader quand la situation le demande. Le leader c’est celui qui dessine une image claire de la situation réelle, basée sur des données factuelles, pour permettre une reformulation positive et impersonnelle du problème. Ensuite pour avancer vers l’objectif de résolution, il lui sera important de connecter le problème aux préoccupations et perceptions de la direction. Sans cela, impossible de trouver des alliés qui l’aideront dans sa tâche. C’est à ce moment-là que ce nouveau leader pourra alors chercher des solutions solides au problème, en constituant et en mettant en place un plan d’actions pour atteindre les objectifs fixés. Cette position de leadership incombe à tout membre du personnel qui fait face à une situation pouvant être améliorée dans son institution. Il est soutenu par le nouveau cadre mis en place par sa direction.
C’est alors que les résultats apparaîtront, avec des projets et actions basés sur des méthodes et outils dont l’efficacité est prouvée. L’ensemble des efforts doit être soumis à une révision systématique et régulière, afin de déployer les ressources aux bons endroits.
En conclusion
Simple ? Non. Car pour y arriver le chemin est long et parsemé d’embûches ! Ces nouveaux leaders devront aussi savoir définir et améliorer un processus, générer des idées nouvelles, mesurer des faits objectifs et construire des équipes dans lesquelles surviendront des conflits.
On pourra alors boucler la boucle : un nouveau leadership insufflé par la direction, et mis en pratique par la base. Une nouvelle culture d’engagement permettant à l’institution de s’adapter par une agilité déclinée à tous les étages du système.
Afin d’accompagner ces leaders dans le changement, la formation devient un point central. Nous comptons une offre large pour les leaders. Cette offre est vitale pour accompagner ce changement, afin de mieux préparer le système des soins aux mouvances actuelles. Les Anglo-Saxons (entre autres l’Institute for Healthcare Improvement) sont souvent des précurseurs pour développer et promouvoir cette notion de leadership.
À la Plateforme pour l’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients (Paqs), nous travaillons plus particulièrement sur le leadership à fort impact, pour accompagner les hôpitaux dans leur élaboration de démarches d’amélioration continue de la qualité et la sécurité des soins.
Encadré - La Paqs ASBL
La Plateforme pour l’amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients (Paqs) est une association sans but lucratif (ASBL). Depuis 2014, elle apporte un soutien et un accompagnement aux institutions de soins bruxelloises et wallonnes dans le développement et la mise en œuvre de démarches d’amélioration continue.
La Paqs rassemble les gestionnaires, les professionnels de santé, les mutualités, les universités et les patients. La mise en commun des expertises et des ressources permet de travailler, ensemble, de manière cohérente et efficiente. Elle collabore également étroitement avec les autorités régionales.
La plateforme évalue les besoins du terrain, coordonne les initiatives existantes, développe des activités complémentaires et met en avant les bonnes pratiques présentes dans les institutions de soins. Sa vision : un secteur des soins de santé visant l’excellence dans ses pratiques et son fonctionnement, en généralisant l’utilisation d’outils d’amélioration continue et l’innovation.