Les erreurs de diagnostic : un vice rédhibitoire dans notre façon de penser, ou des connaissances perfectibles ?

Les erreurs de diagnostic : un vice rédhibitoire dans notre façon de penser, ou des connaissances perfectibles ?

Figures

Article de référence

Dual process models of clinical reasoning: the central role of knowledge in diagnostic expertise

Norman G1, Pelaccia T2, Wyer P3, Sherbino J4

1- Department of Clinical Epidemiology and Biostatistics – McMaster University – Hamilton – Ontario – Canada
2- Centre de formation et de recherche en pédagogie des sciences de la santé (CFRPS) – Faculté de médecine – Université de Strasbourg – France
3- Department of Emergency Medicine – Columbia University Irving Medical Center – New York – New York – USA
4- Department of Medicine – McMaster University – Hamilton – Ontario – Canada

J Eval Clin Pract. 2024;30(5):788-796. Doi : 10.1111/jep.13998.

Résumé

Justification. Des recherches sur le raisonnement diagnostique sont menées depuis plus de cinquante ans. On s’accorde de plus en plus à dire que le raisonnement diagnostique humain comporte deux mécanismes distincts. Le système 1, une recherche rapide d’hypothèses diagnostiques possibles, en grande partie automatique et se nourrissant principalement des acquis de l’expérience, et le système 2, une réflexion plus lente, analytique et consciente du savoir formel, se concurrencent pour parvenir à une conclusion diagnostique. Autour de ce consensus général, les controverses et les désaccords abondent. En particulier, de nombreux auteurs suggèrent que la cause première des erreurs de diagnostic est constituée par les biais cognitifs qui entachent le système 1. Ils proposent d’éduquer les médecins à reconnaître les biais cognitifs et leur impact sur le diagnostic et à s’en défendre en favorisant le recours au système 2, ce qui permettrait d’éviter les erreurs. Buts et objectifs. Dans le présent document, nous contestons ces affirmations. Méthode. Nous avons passé en revue la littérature afin d’examiner dans quelle mesure ce modèle théorique est étayé par des données probantes. Résultats. Nous montrons que les données issues de la recherche fondamentale sur la cognition humaine et d’études en situations cliniques remettent en question les hypothèses de base de cette théorie, à savoir que les erreurs surviennent dans le traitement des informations par le système 1 en raison de biais cognitifs et sont corrigées par un traitement analytique lent et délibéré. Nous affirmons au contraire que les erreurs sont issues à la fois du système 1 et du système 2, qu’elles résultent d’un manque d’accès aux connaissances appropriées et non d’erreurs sur leur traitement, et que les deux processus ne sont pas déterminants dans le raisonnement diagnostique. Conclusion. Les deux modes de traitement sont mieux compris comme une conséquence de la nature des connaissances récupérées, et non comme des processus indépendants et causaux de l’erreur.

Abstract

Rationale. Research on diagnostic reasoning has been conducted for fifty years or more. There is growing consensus that there are two distinct processes involved in human diagnostic reasoning: System 1, a rapid retrieval of possible diagnostic hypotheses, largely automatic and based to a large part on experiential knowledge, and System 2, a slower, analytical, conscious application of formal knowledge to arrive at a diagnostic conclusion. However, within this broad framework, controversy and disagreement abound. In particular, many authors have suggested that the root cause of diagnostic errors is cognitive biases originating in System 1 and propose that educating learners about the types of cognitive biases and their impact on diagnosis would have a major influence on error reduction. Aims and Objectives. In the present paper, we take issue with these claims. Method. We reviewed the literature to examine the extent to which this theoretical model is supported by the evidence. Results. We show that evidence derived from fundamental research in human cognition and studies in clinical medicine challenges the basic assumptions of this theory—that errors arise in System 1 processing as a consequence of cognitive biases, and are corrected by slow, deliberative analytical processing. We claim that, to the contrary, errors derive from both System 1 and System 2 reasoning, that they arise from lack of access to the appropriate knowledge, not from errors of processing, and that the two processes are not essential to the process of diagnostic reasoning. Conclusions. The two processing modes are better understood as a consequence of the nature of the knowledge retrieved, not as independent processes.

Article

Citation

Laurent M. Les erreurs de diagnostic : un vice rédhibitoire dans notre façon de penser, ou des connaissances perfectibles ? Risques & Qualité 2024;(21)3;183-185.

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